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Memoires a quatre mains
13 janvier 2007

1935 – Retour en France – Installation à Perpignan

-         

A

près cette traversée et ce retour par Marseille, la famille Fortier s’installe donc cette année là à Perpignan, ville pour laquelle le Commandant Fortier reçoit sa nouvelle affectation, à la citadelle précisément.

Yvonne et Jeanine découvrent le train à cette occasion car elles n’en avaient jamais vu.

Ce fut un grand moment de découverte à nouveau, à peine les pieds sur le sol français.

-          Maman était très fatiguée et souffrait beaucoup du ventre, dit Yvonne..

Elle souhaite profiter de son retour en France pour consulter, mais sans faillir à l’installation de sa petite famille dans une maison qui a été choisie par le couple sur le boulevard Jean Bourrat.

Elle se donne beaucoup de mal pour trouver meubles et fournitures, coud elle-même tentures et rideaux pour toute la maison, aménage, organise, prépare le nouveau lieu de vie de tout son petit monde avant d’aller à l’hôpital pour faire des examens.

Le médecin décide de l’opérer mais, malheureusement (et même si on a peu de détails sur les faits il est facile d’imaginer qu’elle est à bout de forces) elle ne se réveillera pas de l’anesthésie.

Yvonne et Jeanine perdent leur maman à peine âgée de quarante trois ans.

Elles mêmes ont tout juste 10 ans.

C’est une nouvelle étape de leur enfance, c’est la première douloureuse épreuve que la vie leur inflige lorsque leur papa en rentrant de l’hôpital les fait asseoir et leur annonce en pleurant:

      -  “Vous n’avez plus de maman”

ce fut un moment terrible pour les jumelles mais Yvonne qui ne perdait jamais le bon sens déclara le soir à sa soeur:

-          Puisque c’est ça, je serai ta maman et toi tu seras ma maman !” logique implacable qui répond sans doute aux lois de la gémellité.

Et comme le note très à propos Jeanine “ça n’a guère changé...”

Le Commandant Fortier quant à lui organise la vie de la famille en embauchant une gouvernante qui est chargée de veiller à l’éducation des petites, lesquelles découvrent avec un peu de mal ce que veut dire le terme de “discipline” car Madame David est une personne stricte et convaincue !

Jeanine et Yvonne apprennent ainsi qu’il faut s’habiller correctement, se chausser, se tenir, ne pas s’échapper à tout moment et c’est un véritable challenge que de leur inculquer les règles de base de la vie européenne !

Lourde tâche pour la gouvernante qui, en plus, a des exigences radicales.

Jeanine se souvient:

-          Madame David avait à sa disposition, sur la terrasse de la maison, un grand lavoir et quand elle allait laver le linge elle nous faisait asseoir chacune d’un côté pour nous faire réciter nos tables de multiplication.

Si on faisait une seule erreur, elle nous faisait tout recommencer...

Ohhh, elle n’était pas commode Madame David.

D’ailleurs lorsque nous nous en sommes plaintes à Papa il en a cherché une autre, heureusement.

Une fois le premier chagrin du deuil apaisé, le Commandant Fortier aimerait bien repartir en mission coloniale mais il ne peut pas le faire en emmenant les fillettes sans qu’elles aient une maman.

Le Général en poste lui recommande donc une personne de bonne famille qui ferait une bonne épouse et qui présente toutes les garanties morales indispensables à la femme d’un militaire déjà papa de deux petites filles à éduquer.

Jeanine commente:

-          C’est qu’à cette époque l’armée faisait de véritables enquêtes sur les familles censées s’allier avec un militaire.

          Par la famille de celle qui allait devenir notre “deuxième maman”,  nous

          avons appris plus tard qu’elle avait été l’objet d’une investigation

          extrêmement approfondie et rigoureuse et il n’aurait pas été possible pour

          notre père de contracter une union avec une personne qui ne présentât pas

          toutes les garanties.

Le Général met donc en relations le Commandant Fortier, sa promise et la famille de celle-ci et ce sont les jumelles qui devront décider du devenir de la vie familiale.

En effet, et c’est dans des actes comme celui-ci qu’on prend la mesure de toute la noblesse d’âme du Commandant Fortier et surtout de l’amour qu’il porte à ses filles, il leur laisse prendre la décision “d’adopter ou non” celle qui deviendrait son épouse.

Yvonne et Jeanine doivent donc être présentées à Mademoiselle Constance !

Yvonne raconte:

-          Notre gouvernante nous préparait donc chaque jeudi à aller en promenade avec Mademoiselle Constance qui, elle, était chargée de nous emmener à la pépinière, parc de Perpignan qui a aujourd’hui disparu.

Jeanine complète:

-          Et puis un jour Papa a demandé à la gouvernante de “bien nous habiller”              car il devait nous emmener dans une famille.

     Nous fumes donc présentées avec tout le cérémonial adéquate à “Bon   

     papa  et Bonne maman” qui n’étaient autres que les parents de   

     Mademoiselle Constance.

     Notre père nous avait expliqué que nous devrions décider nous-mêmes 

     si nous acceptions qu’il épouse Mademoiselle Constance pour qu’elle

     devienne notre “nouvelle maman” et c’était à nous de lui poser la 

     question ce jour- là.

     Nous voici donc arrivées chez les futurs grands-parents qui nous 

     reçoivent à déjeuner chez le grand oncle, lequel habitait une petite   

     ferme au Haut Vernet. Le déjeuner se déroule avec toute la solennité due a 

     la circonstance et je ne cessais de penser à la mission que nous avait confiée

     notre père:

    C’est à vous de demander à Mademoiselle Constance si elle veut bien

     devenir votre nouvelle maman”

     Le repas n’en finissait pas et nous étions taraudées par notre obligation et 

     puis, surtout,  j’avais très envie de filer visiter le poulailler qui se    

     trouvait au fond du jardin !

     C’était autrement plus rigolo que les histoires de grands...

     Après ce déjeuner interminable pour des gamines de notre âge, on nous   

     autorisa finalement à sortir de table et il ne fallut pas nous le dire deux   

     fois.

     Toutes absorbées que nous étions de la découverte des volailles de la

     ferme, voici Mademoiselle Constance qui nous rejoint et là... panique !

       

    Je disais à Yvonne “c’est toi qui lui dis”

   - non, c’est toi, répondait elle

   - non, toi...

    et finalement, Yvonne qui était la plus courageuse lui posa la question

    tellememt embarassante:

   “Mademoiselle Constance, est ce que vous voulez bien devenir notre   

        maman ? ”

  Mademoiselle Constance, toute à son émotion, fond en larmes... et nous   

  bouleverse: est ce que par hasard elle ne voudrait pas de nous ?

  Mais tout est bien qui finit bien: papa et Mademoiselle Constance   

  contractent mariage et notre père peut à nouveau faire des projets de départ

  vers les colonies françaises.

-         En ce qui nous concerne, et malgré tout le bonheur que nous apporta   

Mademoiselle Constance au long de notre vie, nous n’étions pas au bout de

nos surprises et des cérémonies qui nous attendaient ! commente Yvonne.


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